Villes flottantes, villes dans le désert, villes aériennes… certains projets de Smart cities apparaissent de plus en plus audacieux et réalisables ! L’Arabie Saoudite se dit même intéressée par les plans d’une cité désertique dessinés par un architecte italien.
Jules Verne n’a qu’à bien se tenir. Les projets de villes du futur sur ou sous l’eau, le sable ou faites d’immenses gratte-ciels se multiplient. Dernier en date, l’idée d’un architecte italien, Luca Curci, de créer une cité du désert faite d’ensembles circulaires quasi-autonomes. Tentant d’exploiter au mieux l’ensemble des ressources de l’environnement aride, l’architecte propose le plan d’une ville alimentée par l’éolien et le photovoltaïque, et utilisant la récupération des eaux usées ou encore le recyclage des déchets. Pensée pour les petites communautés, les plans intéressent déjà le gouvernement saoudien qui serait en train d’envisager des emplacements, confesse l’architecte.
D’autres envisagent la fondation de cités flottantes autarciques ou spécialisées dans un type de production. En Inde, on dessine les plans d’une mégapole, Dholera, deux fois plus grande que Bombay. Un architecte belge, Vincent Callebaut imagine quant à lui une ville de gratte-ciels écologiques et auto-suffisants en énergie. Ces projets gigantesques sont cependant loin d’être nouveaux. Ils font florès tout au long du XXe siècle comme le souligne le professeur d’urbanisme Thierry Paquot, interrogé par l’Atelier : “Ces projets-là sont tout à fait récurrents tout au long du XXe siècle. Dans les années 1960, Paul Maymont imaginait une ville sur sept étages sous la Seine. Cette idée d’une technique performante est une vieille obsession mais qui apparaît désormais vraisemblable.” La différence est là selon lui : aussi audacieux sont-ils, les plans de Luca Curci ou de Vincent Callebaut semblent aujourd’hui faisables. Reste à déterminer si cette faisabilité aboutira concrètement à la réalisation de ces projets colossaux.
Des projets imaginaires ou réalisables ?
De tous les projets cités, soulignons que rares sont ceux qui font actuellement l’objet d’un début de construction. Logique, répond Luca Curci: “Le rôle de l’architecte n’est pas seulement de concevoir des plans de bâtiments concrets, c’est aussi de prévoir ce que sera le futur des villes.” Les plans de villes du futur seraient donc plus des expériences que de véritables projets de construction, des essais pour orienter la ville intelligente de demain plus que des plans à réaliser dans l’année. Un idéal que résumait ainsi Vincent Callebaut à FranceTv : “Notre but, c’est de viser la Lune pour atterrir dans les étoiles. C’est-à-dire pousser nos client à placer la barre le plus haut possible.” On toucherait là à un des fondements de l’architecture selon Étienne Roché, analyste pour L’Atelier, “un architecte doit se distinguer par une ligne.” Les plans démesurés permettent à leur concepteur d’imposer leur style, de se distinguer.
Car ils doivent également séduire ingénieurs et investisseurs. Tâche des plus ardue tant certains de ces dessins semblent démesurés. Cela dit la ville du désert de Curci intéresse l’Arabie Saoudite, preuve que de tels projets sont loin de ne représenter qu’un idéal de science-fiction, bien que ce pays soit très friand de projets extraordinaires. La ville de l’architecte italien permettrait de créer plus de liens au sein de petites communautés : “Cela pourrait servir de concept pour des campus, des lieux de recherche, des centres militaires, bref pour toutes les petites communautés.” explique Luca Curci. Les applications seraient nombreuses.
Reste un obstacle fondamental selon Thierry Paquot : l’enfermement. Pour le professeur d’urbanisme le caractère autarcique de certains de ces projets peut freiner des habitants en quête de liberté. Par ailleurs, les habitudes de peuplement au sein des villes semblent finalement à la fois culturelles et imprévisibles selon la London School of Economics ce qui ne peut que faire douter de la viabilité de ces cités futuristes from scratch. D’ailleurs l’éco-quartier de Tianjin, en Chine n’arrive pas à attirer les 350 000 habitants prévus au départ. Plusieurs années après sa construction, la ville ne compte que 20 000 âmes.
Entre problèmes démographiques et volonté d’échapper aux villes existantes
N’oublions pas les habitants. Ces derniers sont bel et bien au cœur des préoccupations de la plupart sinon toutes ces villes du futur. Ils sont la raison principale à la floraison de ces projets démesurés. Il est frappant de voir que les descriptifs d’une grande partie des dessins de cités futuristes commencent par un même constat : le monde s’urbanise massivement. “Face à cet exode rural massif et à une accélération effrénée de l’urbanisation, les futurs modèles de villes – vertes, densifiées et connectées – doivent être repensés dès maintenant !” écrit Vincent Callebaut. Les villes futuristes répondraient donc à un besoin, celui de repenser le monde urbain comme tente de le faire Dholera en Inde, projet pharaonique mais à la taille des enjeux indiens. Un rapport de McKinsey soulignait en effet que le pays devrait bâtir plus d’une vingtaine de nouvelles villes pour répondre à la pression démographique de la prochaine décennie.
Autre raison pour expliquer l’apparition de ces plans de villes du futur construites à partir de rien : la volonté d’échapper aux contraintes des mégalopoles existantes. “Il est plus facile d’imaginer une smart-city en partant de rien que de partir d’une ville existante avec une contrainte majeure : les habitants.” souligne Thierry Paquot. Selon le chercheur, ces habitants installés ont des besoins, des exigences, des plaintes qui freinent la mise en place d’un Paris ou d’un New-York intelligent par exemple. Autrement dit, si les habitants suscitent et inspirent les architectes, ils sont également en mesure in fine de décider de leur succès ou non.
La démesure au service de l’écologie et pas nécessairement des nouvelles technologies
Toujours est-il qu’une ville intelligente bâtie dans le désert offre une liberté immense à l’architecte. Une liberté que ce dernier utilise notamment pour servir une utopie écologique. Car ces projets ont un point commun : réduire l’impact environnemental à zéro et produire plus d’énergie que nécessaire pour obtenir un bilan énergétique positif. C’est un peu cet “esprit écologique” qui semble en effet animer la plupart des concepteurs cités. Quand Luca Curci confie “Je suis très préoccupé des problèmes environnementaux. Nous devons donc, pour nos projets, utiliser tout ce que la nature peut offrir.”, Vincent Callebaut met en avant le concept “d’archibiotique”, mélange de nouvelles technologies et de respect du vivant pour l’architecture. Ils travaillent à mettre en avant des outils simples ayant néanmoins un réel impact sur les dépenses énergétiques. Parmi leurs préoccupations : réduire les émissions de CO2 ou optimiser le recyclage des déchets. Exemple probant : le projet colossal du quartier de Songdo en Corée avec son système de récupération d’eau de pluie pour irriguer les espaces verts, et de gestion de déchets.
Les plans de smart city s’inspirent de la nature dans leur fonctionnement mais aussi dans leur esthétique. Le projet Asian Cairns imaginé par l’architecte Vincent Callebaut voit se dessiner des tours à l’image de galets plats superposés faisant office de pôles urbains multifonctionnels à base de biotechnologies. Un autre projet du même architecte se base sur l’aspect d’une fleur de lotus d’Amazonie constituant ainsi une véritable cité utopique et auto-suffisante qui permettrait d’accueillir les réfugiés climatiques. Quant à Luca Curci, il s’inspire des cellules et de leur liaison pour imaginer la ville de demain. Une smart city inspirée par et pour la nature en quelques sortes. Au point même d’occulter quelque peu les nouvelles technologies. Dans ces projets, le numérique passe au second plan face aux préoccupations environnementales et humaines. La peur de voir les technologies déshumaniser voire “robotiser” la smart city, comme l’évoque Carlos Moreno ou le Guardian dans un article récent, conduit semble -t-il les architectes à remettre l’humain et la nature au centre.
Cette utopie écologique n’est cependant pas un concept propre aux smart cities ex nihilo. Elle s’inscrit aussi dans le fonctionnement de villes historiques comme Paris (qui pourrait, avec le projet Paris 2050, réduire de 75 % ses émissions de CO2 d’ici 2050 en réintroduisant la verdure dans son architecture) ou même Londres avec le controversé garden bridge. Des projets ambitieux mais, selon Étienne Roché, “l’architecture ne fonctionne qu’avec des projets fous qui mettront peut-être dix, vingt voire cent ans à se réaliser ce qui est encore plus vrai en urbanisme, et celui qui le fera entrera dans l’histoire”.
Source : Atelier.net
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