L’effondrement du cours des matières premières et du pétrole n’incite pas à se tourner vers les matières recyclées. Le chiffre d’affaires du secteur a reculé de 2 % l’an dernier et les recycleurs sont fragilisés.
A deux mois de l’ouverture à Paris de la conférence mondiale sur le climat COP 21, le bilan 2014 du secteur du recyclage en France aboutit à un constat paradoxal : « Jamais on n’a autant parlé d’économie circulaire et, pourtant, jamais l’économie linéaire n’a été aussi prégnante », observe ainsi Jean-Philippe Carpentier, président de la fédération des recycleurs Federec. Selon ses estimations, l’an dernier, le chiffre d’affaires des recycleurs a baissé de 2 %, à 9,03 milliards d’euros, malgré une hausse de 3,5 % du tonnage collecté, dont + 10 % pour le plastique ou encore + 6 % pour les métaux non ferreux.
Et surtout, « 2015 va être une année catastrophique, prévient Alfred Rosales, directeur général de Federec. En 2014, la hausse du volume a compensé les baisses de prix de vente du recyclé et seule la ferraille a vu son chiffre d’affaires reculer, de 10 %. Mais en 2015, ce recul va s’accentuer, le chiffre d’affaires de la filière des non-ferreux va, lui aussi, baisser, ainsi, probablement, que celui du plastique, où il risque d’y avoir des dépôts de bilan. » Bien que les effectifs des 1.300 sociétés du secteur aient progressé de 1,8 % en 2014, à 26.500 salariés, leur rentabilité s’érode et « les entreprises tapent dans leur trésorerie. Si ça continue nous allons entrer dans le dur », résume Jean-Philippe Carpentier.
Filière fragilisée
En cause : la chute des cours mondiaux des matières premières depuis un an. Pétrole, nickel, cuivre, aluminium… tout plonge. Les industriels, qui n’ont aucune obligation légale d’incorporer des matières recyclées dans leur fabrication, n’ont guère de raison d’en acheter quand la matière vierge devient moins chère, ce qui est le cas aujourd’hui, particulièrement cette année, où la dégringolade des cours s’est accélérée. S’y ajoute la baisse de la production industrielle (la France a atteint un point bas cet été), qui crée une surcapacité de production de matière primaire venant concurrencer le recyclé. Autre handicap du secteur, « les contraintes réglementaires (garanties financières, obligations déclaratives, etc.) exigées pour créer une entreprise de recyclage se multiplient au point de devenir ingérables », dénonce-t-il.
La filière de la ferraille est actuellement la plus mal en point. « Elle n’a jamais connu une situation aussi grave. Depuis 2015, pour la première fois, la Chine exporte des billettes d’acier (la matière première issue du minerai de fer), concurrençant la ferraille. On voit aussi des billettes d’acier russes » vendues en Turquie et en Europe, alerte Jean-Philippe Carpentier. La filière française de la ferraille a déjà été fragilisée par l’interdiction en 2012 du paiement en liquide des ventes de métaux. La France et le Royaume-Uni, qui ont cette restriction, n’ont pas réussi à l’imposer au reste de l’Europe. Résultat : une multiplication des camionnettes de ferraille sortant clandestinement de France. « Dans la région Nord-Picardie, cette interdiction s’est traduite par une baisse de 30 à 40 % de la collecte… » résume-t-il.
Aujourd’hui, plus personne n’imagine une remontée du cours du baril en 2016. Pour autant, Federec n’attend pas de l’Etat qu’il impose un quota obligatoire de matières recyclées aux industriels. « A partir du moment où nous demandons qu’on desserre l’étau des normes, on ne peut pas faire aux industriels ce qu’on refuse pour nous-mêmes, explique Jean-Philippe Carpentier. La solution est plutôt de taxer le prix de la tonne de CO2, qui ne coûte que 6 euros en France contre 150 euros en Suède ». C’est aussi l’analyse du PDG de Veolia, Antoine Frérot. Une économie qui ne pénalise pas le carbone ne peut pas prétendre réduire les émissions de CO2. Reste à surmonter le lobby des industriels, qui brandissent la menace de la perte de compétitivité.
Source : Les Echos