La France fourbit ses armes sur la ville durable. Déjà munie d’une marque à l’international, Vivapolis, créée en 2013 pour promouvoir son savoir-faire en matière d’urbanisme, elle se dote d’un Institut de la ville durable (IVD). Lors du conseil des ministres, mercredi 23 décembre, Laurent Fabius pour les affaires étrangères, Ségolène Royal pour l’écologie, Sylvia Pinel pour le logement et Patrick Kanner pour la ville ont annoncé le lancement de cette instance destinée à structurer une politique de la ville durable et en être le levier.
L’Institut de la ville durable ne se veut pas une énième structure étatique ou sectorielle. Il sera avant tout un réseau mettant en synergie l’ensemble des acteurs travaillant sur la ville : Etat, collectivités territoriales, entreprises, organismes de recherche et associations citoyennes. « L’Institut de la ville durable est par essence interministériel et partenarial », explique Valérie Lasek, qui a piloté sa mission de configuration.
Car l’urbanisme du XXIe siècle appelle une approche, non plus décloisonnée par métier, mais globale de la ville, intégrant toutes ses dimensions, énergie, eau, déchets, transports, espaces verts… La conception et la gestion des projets urbains reposent nécessairement sur un travail partenarial entre les acteurs de l’ensemble des métiers du secteur et les collectivités locales.
La première mission de l’Institut sera d’accompagner le développement de sites pilotes, donnant à voir des solutions intégrant toutes les fonctions urbaines et répondant aux défis actuels de sobriété énergétique et de cohésion urbaine et sociale. Ont ainsi été annoncés en conseil des ministres onze premiers lauréats de l’appel à projet « Démonstrateurs industriels pour la ville durable », lancé par Sylvia Pinel et Ségolène Royal le 8 octobre.
Parmi les projets retenus, on compte notamment la mise en place, dans le quartier de la Confluence à Lyon, d’une plate-forme numérique permettant une optimisation de toutes les ressources (énergie, eau, transport…), la rénovation d’un quartier visant l’autonomie énergétique à Mouvaux (Nord) ou encore la création d’une écocité à Marseille.
Déjà bien engagé, ce projet dans les quartiers nord de la cité phocéenne, baptisé Smartseille, repose sur un copilotage réunissant les autorités publiques (Etat, ville de Marseille, société d’aménagement Euroméditerranée), des grands groupes (Eiffage, EDF, Orange, Lafarge), des PME et start-up innovantes, et même des associations environnementales. Un large partenariat qui a permis d’imaginer et de concevoir un ensemble d’innovations : solidarité énergétique entre les immeubles de logements et de bureaux ; dépollution du site par des champignons permettant de diminuer les terres à évacuer ; thalassothermie avec une boucle à eau de mer pour rafraîchir les espaces l’été ; parking mutualisé entre bureaux et logements…
« Evolution de la législation »
Des innovations qui peuvent parfois amener à dépasser certaines barrières administratives, voire réglementaires. « Nous voulons installer dans l’écocité une ferme urbaine, mais les dispositions du plan local d’urbanisme ne le permettent pas toujours », donne en exemple Hervé Gatineau, directeur grands projets d’Eiffage Immobilier. Même l’idée de mutualisation des parkings, qui repose sur un droit au stationnement et non plus une place attitrée, n’a pas coulé de source. Pour les bailleurs sociaux, à un logement doit être attribuée une place de parking.
« L’idée est que l’Institut de la ville durable encadre à titre expérimental ou dérogatoire ces initiatives, et en assure le suivi et l’évaluation, pour proposer une évolution de la législation », explique Valérie Lasek. « Avec l’IVD, l’expérimentation s’inscrira dans un cadre déterminé, c’est là tout son intérêt », appuie Paul Colombani, directeur général adjoint d’Euroméditerranée, qui souligne l’urgence qu’il y a à faire évoluer le code des marchés publics.
De fait, il existe encore peu, voire pas, en France, d’appels d’offres globaux de la commande publique, portant sur un bout de ville, un îlot, un quartier. « Les Suédois, les Allemands, les Danois ont déjà intégré cette logique. Pourquoi cela ne serait-il pas possible en France ? » interpelle Valérie David, directrice du développement durable d’Eiffage, groupe qui a dû se porter acquéreur du site pour que le projet partenarial Smartseille puisse être développé.
L’ambition est de faire des sites pilotes de véritables vitrines du savoir-faire français. Vitrines que l’Institut est appelé à valoriser et promouvoir en France et à l’international. Selon une étude du ministère français de l’économie, le potentiel du marché du développement urbain est estimé à 50 milliards d’euros d’ici à 2017. Une opportunité dont la France entend se saisir.
Source : Le Monde