Dans l’éco-quartier de Lanxmeer, chaque îlot d’habitation a son identité propre, et l’ensemble forme un tout harmonieux.
La permaculture peut être appliquée à l’ensemble des organisations humaines pour les rendre plus résilientes. Ainsi, lorsque Rob Hopkins, enseignant en permaculture à Kinsale, en Irlande, reçoit avec ses étudiants la visite d’un certain David Holmgren, son formateur, inventeur australien du concept, il vient aux élèves et au professeur une drôle d’idée : appliquer le principe permaculturel aux villes.
Pic pétrolier et changement climatique
Face aux menaces que représentent le pic pétrolier (la fin du pétrole bon marché) et le dérèglement climatique, il leur paraît évident que nos cités ne vont pas pouvoir continuer à fonctionner comme avant. La hausse du prix du pétrole va faire grimper celui des denrées alimentaires, des transports, de l’électricité, des objets dérivés de la pétrochimie (plastiques notamment). Et l’économie n’y résistera pas longtemps. Le dérèglement climatique perturbera les récoltes, engendrera de nouvelles maladies, submergera des terres et provoquera la migration de millions de personnes…
Il faut donc organiser la résilience de nos villes et de nos territoires, c’est-à-dire leur capacité d’encaisser ce choc sans se désintégrer, sans perdre leur intégrité.
Comme l’explique Rob Hopkins lui-même, « la permaculture a été définie dans les années 1970, au moment de la première crise pétrolière, comme une “agriculture soutenable” (permanent agriculture). Son application aux systèmes agricoles a rapidement été élargie, car il devenait clair qu’une nourriture soutenable ne pouvait être isolée d’une multitude d’autres éléments qui font une société – l’économie, la construction, l’énergie, etc. Le terme “permaculture” s’est étendu depuis à la notion de permanent culture, s’attachant à la création de cultures durables. »
Des villes comme des écosystèmes
L’objectif de la permaculture est d’organiser des installations humaines à l’image des écosystèmes : autonomes, résilients, capables de recycler leurs déchets pour en faire de nouvelles ressources, organisant l’interaction entre ses différentes composantes pour que leur diversité devienne complémentarité…
Rob Hopkins, ses étudiants, puis les pionniers du Transition Network, se sont donc demandé à quoi ressembleraient des villes et des territoires qui fonctionneraient comme des écosystèmes.
Tout d’abord, ils seraient en mesure de produire l’essentiel de la nourriture dont ils ont besoin grâce à la relocalisation d’une agriculture saine et biologique, qui ne nécessiterait pas de pétrole. Ils produiraient une énergie renouvelable grâce aux multiples ressources dont ils disposent : soleil, vent, biomasse, eau, géothermie, etc. pour répondre aux besoins essentiels des résidents. Ils disposeraient d’une économie enracinée, où l’ensemble des activités essentielles à la vie des communautés locales seraient représentées et où la richesse des échanges permettrait de créer une prospérité partagée. Ils généreraient très peu de déchets et seraient capable de les recycler, de les composter, pour qu’ils entrent dans des cycles de production circulaires où « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ».
Un mouvement mondial et inclusif
Ils élaborèrent ainsi les fondements d’un mouvement qui s’est aujourd’hui répandu dans 43 pays à travers le monde au travers de 1 095 initiatives (446 officielles et 635 en construction). Des communautés humaines tâchent de s’y réapproprier leur futur en pratiquant la permaculture (version agricole), en économisant l’énergie au maximum, en installant des panneaux solaires, des éoliennes, en créant des monnaies locales, en éduquant petits et grands à l’idée de la Transition.
L’idée n’est pas de rester entre convaincus, mais de s’adresser à tout le monde. De faire la jonction entre les engagés de la première heure, qui paraissaient marginaux, et le courant principal de la société. Comme l’exprime Rob Hopkins dans le Manuel de Transition (éditions Écosociété, 2010), livre fondateur du mouvement, « le pic pétrolier est pour moi un appel aux ébénistes et aux fabricants de chaises dans leurs bois, aux maraîchers et aux pépiniéristes près de leurs routes brumeuses de campagne, et aux installateurs d’éoliennes individuelles sur leurs montagnes venteuses, à ramener toutes les merveilleuses compétences qu’ils ont accumulées, l’intuition qu’ils ont développée par des années de pratique et de contemplation, là où la majeure partie de la population commence à comprendre que les choses ne vont pas bien. C’est un appel à apprendre de nouvelles méthodes de communication avec le plus grand nombre, et dans une éthique de service, à chercher à impliquer les autres à une échelle sans précédent. […] L’approche de la Transition est une vision dans laquelle, je l’espère, les principes de la permaculture sont implicites, et non explicites. C’est ma tentative pour contourner le fait que la permaculture est un concept très compliqué à expliquer à une personne rencontrée dans un bar qui vous demande ce que ça signifie, si vous n’avez pas de tableau et de marqueurs et une quinzaine de minutes pour dessiner des poules, des mares et des serres. […] Le concept de Transition est d’une certaine manière plus facile à expliquer, laissant plus de temps pour d’autres conversations ! »
Extrait du dossier sur le permaculture de Kaizen 8. Dossier réalisé par Béatrice Mera, Benjamin Broustey, Cyril Dion, Yvan Saint-Jours et Pascal Greboval.
Source : Kaizen