Le maire de Bordeaux, Alain Juppé, a annoncé la construction dans sa ville des deux plus hautes tours de logements en bois au monde. Avec 50 mètres et 18 niveaux, elles seront construites par Eiffage et Kaufman & Broad.
vu sur :
Tant qu’à battre un record, Bordeaux a choisi de le battre deux fois. Alain Juppé a dévoilé lundi le résultat du concours lancé par Bordeaux pour construire la plus haute tour de logements en bois au monde (50 mètres et 18 étages). Surprise : il n’y aura pas une tour mais deux, de chaque côté de la voie de tramway.
Parmi les sept projets en lice ont été retenues la tour Hypérion d’Eiffage (57 mètres de haut sur 18 niveaux pour 82 logements), dessinée par l’architecte Jean-Paul Viguier, et la tour Silva, de Kaufman & Broad, imaginée par Art & Build et le studio Bellecour. Elles détrôneront la tour Treet de 14 étages, située à Bergen, en Norvège. Hors d’Europe, le Québec a testé les 13 étages.
Concrètement, à quoi ressembleront-elles ? Dans les deux cas, à des tours… en béton. Le bois sera en effet peu visible en façade, afin de ne pas l’exposer aux intempéries. « Le bois, pour Hypérion, ne sera apparent qu’en sous-face des balcons, là où il sera protégé. Sinon, cela aurait demandé trop d’entretien », explique ainsi Christian Birbaud, chez Eiffage Immobilier Atlantique. Silva aura une façade en verre, mais elle laissera voir la structure principale en bois. Les deux tours seront bien construites en majorité en bois, même si le noyau central (cages d’escalier et ascenseurs) sera en béton pour assurer la stabilité au vent.
Du bois… sauf en façade
Le coût de construction de la tour en bois oscillait, en fonction des candidats, entre 1.600 et 1.800 euros hors taxes le mètre carré. « Notre évaluation sur des projets comparables dans la filière béton sont de l’ordre de 1.500 à 1.700 euros le mètre carré, soit un surcoût d’environ 100 à 200 euros le mètre carré, explique Nadège Daudrix chez Euratlantique. Un surcoût somme toute réduit. Quant au prix de vente des logements aux Bordelais, « il y aura 35 % de logements HLM, de 5 % à 10 % de logements pour premiers acheteurs à prix maîtrisés – 2.800 euros le mètre carré TTC – et du haut de gamme, à prix libre », détaille-t-elle.
Le terrain attribué à Silva étant « de base triangulaire , l’architecture de la tour devra donc être repensée, en conservant l’esprit », note Alexandra Carpentier chez Euratlantique, l’aménageur public en charge du concours. Silva devrait donc nécessiter un délai supplémentaire. Quant à Hypérion, « le permis de construire devrait être déposé en fin d’année pour un démarrage du chantier vers septembre 2017 et une livraison en janvier 2020 », indique Christian Birbaud chez Eiffage Immobilier Atlantique.
Développer la filière française
Le concours vise à développer la filière française du bois de construction. Le bois d’ossature (des poutres en bois lamellé-collé) sera donc tricolore. Et la filière naissante de panneaux en bois massif préfabriqués (dit CLT) en sortira renforcée. Pour les deux tours, le CLT sera fourni par Sacba, un producteur local de lamellé-collé qui s’est diversifié en 2014, après avoir été sévèrement touché par la crise de la construction en lamellé-collé. Cette PME de 60 personnes est, avec Monnet-Sève (le pionnier) et Lineazen, un des rares fabricants français de CLT, face aux produits finlandais et autrichiens. « L’enjeu est de produire en France les panneaux préfabriqués de CLT nécessaires aux grandes constructions en bois. C’est une industrie de la transformation, qui assure de l’emploi local et qualifié », souligne Claire Deloeuil chez Sacba. « Se lancer dans le CLT a représenté de l’ordre de 2 millions d’euros d’investissement », estime-t-elle. L’entreprise a obtenu en 2015 le feu vert du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB). Mais, pour obtenir la certification de ce nouveau produit de structure, la procédure du CSTB est trop lourde pour beaucoup de PME, sauf à faire appel à un soutien spécialisé comme Synerbois (lui-même issu du CSTB). Ce qu’a fait Sacba, mais la certification lui a coûté, au final, 250.000 euros. La France rattrape une partie de son retard, même si, dans le même temps, les pays les plus à la pointe, comme l’Autriche, continuent d’avancer, dépassant les 10 étages qui étaient, il y a encore peu, la limite des constructions en bois. « A Vienne, il existe un projet de tour, appelé “Hoho”, de 24 étages » sur 84 mètres de haut, rappelle Julien Dubos chez Woodeum, qui participe à Hypérion en tant que bureau d’études. Toutefois, Hoho ne comprendra pas de logements, la tour est destinée à un hôtel et à des commerces. Toujours à Vienne, Bahnorama, livrée en 2010, fait 65 mètres. Mais il s’agit d’un observatoire, sans logements ni bureaux.