Les emplois et les revenus disponibles des ménages bénéficieraient aussi d’importants investissements dans les énergies renouvelables et dans l’efficacité énergétique, par rapport au scénario “business as usual”, relève un nouveau rapport de l’Ademe.
Une énième étude conforte les espoirs qui ont suivi la COP21. Investir dans la transition énergétique serait non seulement bon pour le climat et la santé, mais aussi porteur de croissance et d’emplois, relève jeudi 30 juin l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) dans un rapport.
Un système énergétique plus efficace et moins carboné pourrait notamment conduire en 2050 à un niveau de PIB supérieur à celui engendré par un scénario “business as usual”, estime l’étude, qui compare ce dernier à trois hypothèses d’évolution différentes: celle d’un quota des renouvelables dans la consommation d’électricité s’élevant, en 2050, à 80%; celle d’un apport des renouvelables étendu à 100%; et celle d’une part des renouvelables de 100% mais avec une empreinte au sol réduite – impliquant plus d’éolien offshore et d’énergies marines par rapport à l’éolien terrestre et plus de solaire en toiture, donc des coûts plus élevés. Selon la variante retenue (et donc les investissements nécessaires), l’écart du PIB comparé au scénario tendanciel oscillerait entre 3,6 et 3,9 points.
Le plein emploi en vue
Une telle trajectoire générerait aussi entre 800.000 et 900.000 emplois supplémentaires, et donc une diminution du chômage comprise -par rapport au scénario tendanciel- entre 3,6% et 3,3% de la population active, affirme l’Ademe. Puisque, selon les hypothèses de croissance de l’UE, le taux de chômage serait de 8% en 2050, “la transition énergétique permettrait de se rapprocher du plein emploi”, observe Fabrice Boissier, directeur général délégué de l’agence.
Logiquement, croissance et emplois auraient aussi un impact positif sur le revenu disponible des ménages qui, en cas de 100% d’énergies renouvelables dans la consommation énergétique en 2050, dépasserait de 3.300 euros (constants 2010) par habitant celui prévu en cas d’évolution “business as usual” -un gain de 255 milliards d’euros au total. Et cela au net tant de la facture énergétique – qui baisserait de 25% en moyenne, car la diminution de la consommation dépasserait l’augmentation des prix- que de la dette des investissements d’efficacité énergétique…
Les investissements dans l’efficacité énergétique au centre
Ces investissements visant des économies d’énergie seraient d’ailleurs au centre des trois scénarios analysés par l’Ademe, représentant environ la moitié du surcroît total nécessaire, de l’ordre de 7 à 9% de la formation brute de capital fixe sur la période 2016-2050. Ils seraient à l’origine de la grande partie des gains en termes tant de PIB, que d’emplois et de pouvoir d’achat. Ils expliqueraient donc aussi le caractère comparable des effets économiques des trois variantes de la transition énergétique analysées.
Lire aussi: L’efficacité énergétique entre en Bourse
Leur financement constitue donc le nerf de la guerre, souligne Bruno Lechevin, président de l’agence, qui suggère de s’appuyer sur trois leviers. Le premier est représenté par les choix de fiscalité en matière d’énergie, à savoir du prix du carbone. La loi de transition énergétique pour la croissance verte a fixé une trajectoire, à travers la contribution climat énergie, qui devrait amener la tonne de CO2 à coûter 100 euros en 2030 (contre 22 euros en 2016), rappelle l’Ademe, soulignant l’opportunité d’agir à un moment où les prix des énergies fossiles sont au plus bas.
Le risque climatique encore sous-évalué
L’Ademe insiste aussi sur la nécessité d’inciter les investisseurs à prendre en compte le risque climatique dans leurs décisions. En ce sens, la nouvelle obligation prévue par la loi de transition énergétique pour les investisseurs institutionnels français et les entreprises cotées, de publier certaines informations et de se soumettre à des stress tests spécifiques, est saluée comme “une avancée inédite dans le monde”.
Dernier levier à ne pas négliger: faciliter l’accès des particuliers et des acteurs économiques aux financements, l’emprunt restant un frein majeur aux investissements dans la transition énergétique. L’adéquation entre l’ensemble des politiques mises en place et les objectifs poursuivis devra être vérifiée à l’occasion de l’examen du rapport annuel sur le financement de la transition énergétique, désormais obligatoire.
Un impact différent selon les secteurs
Même si cette dimension n’a pas été prise en compte par l’étude, la transition énergétique constitue par ailleurs aussi une “opportunité d’améliorer la balance commerciale nationale, puisqu’elle implique une diminution des importations d’énergie et de ressources”, souligne Bruno Lechevin. En revanche, il est évident que l’équilibre entre effets positifs et négatifs varierait selon les secteurs.
L’étude de l’Ademe, qui a voulu aller au-delà d’un regard seulement global, montre que trois d’entre eux profiteraient directement de la transformation: la construction, l’électricité renouvelable et les transports. Les services, qui devraient représenter près de 80% de l’économie française en 2050 , bénéficieraient aussi d’un effet d’entraînement. Au contraire, le nucléaire, l’automobile et les énergies fossiles en pâtiraient.“Les investissements doivent donc s’accompagner de plans de formation”, initiale comme continue, observe donc Bruno Lechevin: des initiatives à lancer dès aujourd’hui puisque les travailleurs de 2050 sont déjà en train de se former.