Les premiers engagements pour la croissance verte ont été signés à Bercy. Ces partenariats contractuels entre des porteurs de projet de l’économie circulaire et l’Etat doivent permettre de lever les freins qui dépendent des pouvoirs publics.
vu sur :
Mercredi 27 avril, les porteurs de projet de l’économie circulaire et l’Etat ont signé trois engagements pour la croissance verte (ECV) et lancé un quatrième. Ces signatures interviennent dans le cadre de travaux du Conseil national de l’industrie (CNI). A la suite de la table ronde “économie circulaire” de la Conférence environnementale de septembre 2013, “les industriels avaient demandé aux pouvoirs publics de privilégier la mise en place d’engagements volontaires en lieu et place de réglementations contraignantes”, rappelle le ministère de l’Economie. Les ECV viennent concrétiser cette attente.
Les ECV ont pour objectif de développer des coopérations public-privé dédiées à des projets innovants et de valoriser les meilleures pratiques portées. Côté pouvoirs publics, ils engagent les services et directions du ministère de l’Environnement pertinents au regard des engagements pris par le projet, la direction générale des entreprises (DGE) du ministère de l’Economie et, si besoin, d’autres ministères. La démarche s’inspire des “green deals” lancés aux Pays-Bas qui déploient cette approche depuis 2011 et en a déjà signés 180 impliquant plus de 500 entreprises.
En mars 2016, un premier green deal européen a été signé en marge du Conseil Environnement. Avec les Pays-Bas, le Royaume-Uni et les Flandres, la France s’est engagée dans la démarche “carrefour des ressources de la Mer du Nord” visant le développement du marché des matières premières secondaires. Une dizaine de matières spécifiques (déchets électroniques, PVC, mâchefers…) doivent être étudiées afin de comprendre les freins rencontrés par les professionnels (réglementaires, normatifs ou organisationnels notamment) et proposer des axes de solutions à droit constant.
BTP, verre acrylique et textiles professionnels
Le premier ECV, signé le 27 avril, engage le syndicat professionnel des industries du plâtre (Snip) et trois entreprises (Knauf, Placoplatre et Siniat) autour du recyclage et de la valorisation des déchets de plâtre. L’objectif est de recycler 250.000 tonnes de déchets de plâtre à l’horizon 2020, contre 66.000 tonnes en 2014. Les industriels souhaitent récupérer le plâtre lors de la déconstruction des bâtiments, alors qu’aujourd’hui le plâtre recyclé provient essentiellement des chutes de plâtre de la construction. Les entreprises s’engagent à réaliser une cartographie du réseau national de collecteurs de déchets et à publier des spécifications techniques communes pour le gypse recyclé. Quant à l’Etat, il va encourager l’instauration de lots dédiés à la gestion des déchets dans les marchés publics ainsi que la déconstruction sélective. Il va aussi sensibiliser France Domaine et les grands maîtres d’ouvrage des administrations de l’Etat pour qu’ils facilitent l’implantation de sites de tri.
Toujours dans le domaine des déchets inertes du BTP, l’Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction (Unicem), l’Union nationale des producteurs de granulats (UNPG) et le Syndicat national du bêton prêt à l’emploi (SNBPE) souhaitent accélérer le recyclage des granulats et matériaux de construction inertes. L’objectif est de l’augmenter de 50% entre 2014 et 2020. Les professionnels vont cartographier le réseau de carrières et plateformes de recyclage dédiées et réaliser des expérimentations sur des carrières dans cinq régions pour identifier les freins et des solutions. L’Etat s’engage pour sa part à établir des lignes directrices sur l’interprétation de textes réglementaires pour les inspecteurs en Dreal et à promouvoir la déconstruction des ouvrages publics dans les cahiers des clauses techniques particulières (CCTP).
Le projet Reverplast vise la création d’une nouvelle filière de recyclage de verre acrylique. Il associe le chimiste Arkema, la plateforme technologique Canoe, les recycleurs Paprec et Indra, et une PME de plasturgie Plastinov. L’objectif est de développer des applications pour les verres acryliques recyclés, en substitution de matériaux non recyclables (de type plexiglas) dans les industries automobiles (phares de voiture), le nautisme et les énergies renouvelables (panneaux photovoltaïques et éoliennes). Les professionnels réaliseront une étude de faisabilité et l’Etat s’engage à faciliter la mise en réseau et la fédération des acteurs de cette nouvelle filière émergente.
Enfin, le projet de reprise et recyclage des uniformes et textiles professionnels (Frivep) a été lancé et doit être signé prochainement. Le but est de constituer une filière de réemploi et de recyclage des textiles professionnels, dont le gisement est estimé à 15.000 tonnes. Initié par la SNCF et animé par l’association Orée, il doit permettre de caractériser les gisements, tester différents modèles économiques, développer la logistique inverse et massifier les flux. L’Etat s’engage à sensibiliser ses différentes composantes (partenariat envisagé avec le ministère de l’Intérieur) et entreprises publiques pour atteindre une masse critique permettant de donner une viabilité à cette nouvelle filière.
Une approche pragmatique
Ces engagements pour la croissance verte valident des programmes portés conjointement par les ministères de l’Environnement et de l’Economie et par des acteurs économiques, des collectivités locales ou des ONG. Ils prennent la forme de contrats, c’est-à-dire qu’ils listent des “engagements concrets et détaillés”, mais sont “non contraignants juridiquement“, c’est-à-dire qu’ils incluent une clause de non recours. Leur principal objectif est de lever les freins rencontrés par les porteurs de projets. “Les ECV révèlent des pistes d’amélioration et la démarche peut contribuer à la modernisation du droit de l’environnement”, explique le ministère de l’Economie. Pour atteindre ces objectifs, les ECV s’appuient sur une approche pragmatique basée en priorité sur les besoins concrets des porteurs de projets. Les services de l’Etat s’engagent à leur “apporter une réponse globale et intégrée”, notamment en décloisonnant les relations entre les différentes administrations.
Concrètement, l’élaboration s’appuie sur la remontée de terrain de besoins concrets exprimés par les porteurs de projet. Une fois listés les freins rencontrés par les acteurs économiques, un comité de pilotage ad-hoc réunit les acteurs concernés afin d’élaborer les engagements réciproques sur lesquels les porteurs de projets et l’Etat acceptent de s’engager. Le but est de construire du “sur-mesure” autour d’une problématique donnée, portée par un projet. “Une fois l’ECV signé, il doit être réalisé dans les trois ans suivant la signature”, explique le ministère, précisant qu’il ne s’agit pas d’un instrument financier mais d’une démarche complémentaire aux programmes classiques de soutien technique ou financier.