La zone industrielle veut construire le plus important écosystème coopératif pour générer des économies et fixer les industriels.
Les fondateurs de la jeune association Piicto (Plate-forme industrielle et d’innovation de Caban Tonkin) ont longtemps hésité avant d’en signer les statuts il y a quelques jours. Pour consolider l’attrait de la zone portuaire de Fos, cet ambitieux programme d’économie circulaire – le plus important du moment – va les obliger à construire ensemble des synergies parfois contre nature. « Nos voisins vont devenir partie prenante de pans entiers de notre stratégie d’achat, mesure l’un d’eux. Nous allons partager des décisions, mutualiser des investissements et coconstruire notre environnement. Ca n’a rien de naturel. »
C’est le Grand Port maritime de Marseille Fos qui a eu l’idée d’organiser cet écosystème destiné à faciliter l’implantation de nouveaux projets, après l’échec de l’installation du producteur de fibres de carbone Hexcel, qui prévoyait 400 millions de dollars d’investissement sur le site. La plate-forme cible couvre 1.200 hectares dans les bassins ouest, dont 43 % sont occupés par une quinzaine d’entreprises représentant environ 3.000 emplois. Air Liquide, Asco Industries, Elengy, Kem One, Lyondell Chimie, Eiffage Construction Métallique y génèrent un trafic maritime de près de 5 millions de tonnes, près de 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires et un flux d’investissement annuel moyen de 50 millions d’euros.
Garanties environnementales
Leur territoire, classé Seveso, sera un des premiers du genre à expérimenter le dispositif de « zones d’intérêt économique et écologique » décrites par le décret du 3 janvier dernier comme présentant « un intérêt majeur pour l’implantation d’activités économiques dans lesquelles les enjeux environnementaux font l’objet d’un traitement anticipé ». Le préfet pourra en particulier y délivrer un permis unique pour la réalisation d’un ensemble d’installations classées sur ce site jouxtant la plaine sensible de la Crau et les milieux humides de Camargue. Les phases d’étude préalables et les procédures administratives seront accélérées en contrepartie de garanties environnementales fortes.
C’est l’objet du chantier d’économie circulaire engagée par Piicto. Son premier chantier veut réduire la part de consommation des énergies fossiles chez les industriels. Pour au moins 20 millions d’euros d’investissement, l’association va financer un réseau de distribution de vapeur alimentant les entreprises du territoire à partir de deux incinérateurs. « Nous produisons 150.000 tonnes de vapeur par an, soit l’équivalent de la consommation d’une ville de 50.000 habitants », explique Roberto Rodriguez, directeur général d’EveRé, qui gère l’élimination des déchets urbains de Marseille dans un site faisant face au producteur d’aciers spéciaux Asco. Cette énergie est aujourd’hui transformée en électricité revendue sur le réseau. Chez Solamat, qui traite des déchets spéciaux dans une installation voisine, le rendement n’est que de 20 %. En distribuant cette vapeur dans leur environnement, les deux industriels sont certains de mieux valoriser cette « vapeur fatale » en répondant aux besoins énergétiques de toute la zone, avec une économie estimée entre 10 et 20 %. Le projet devrait voir le jour en 2016.
D’autres chantiers de synergie sont à l’étude. Par exemple entre Kem One, dont le procédé produit du chlore, et Lyondell, qui se fournit aujourd’hui à l’étranger. « Nous étudions toutes les possibilités de valorisation de sous-produits de la chimie », explique son directeur, Jean-Philippe Gendarme. Asco a commencé à faire de même. A la clef, des économies de proximité évaluées à plusieurs millions d’euros chaque année.
Source : LesEchos